vendredi 29 octobre 2010

De l'omniprésence de la mort et des morts en milieu de cuite.

C'est une vieille histoire, puisque le plus vieux métier du monde, en dépit de la fierté des putes, est de vivre avec la mort. Je n'évoque pas ici la voie guerrière du samouraï, mais les tombes reposées à l'ombre d'un manguier, d'un tamarinier ou du chantier inachevé du troisième étage, réduit à un amas de briques au milieu de la cour où les enfants jouent pour que leurs rires, résonnant dans le quartier du troisième plan des ruelles tananariviennes, rassure chacun de nous sur le fait que la vie suit son cours, pauvres olombelona (humains vivants) que nous sommes, conscients de là où la vie nous mène: au milieu de la cour.

Mon père ne conduisait de voitures que de son vivant, c'est là un point indiscutable. Si, si. Certaines nuits il nous conduisait sur la piste des caravanes des rallyes automobiles. D'autres fois nous faisions 30 kilomètres jusqu'à Ambatofotsy pour manger deux épis de maïs. D'autres fois encore nous allions, aussi inconséquemment, sortir de leurs tombes, avec tout un village inconnu et quelques centaines d'autres familiers, des morts tout aussi inconnus, qu'on ne reconnaissait que par leur nom écrit sur un papier glissé dans une bouteille vide attachée à leur linceul.

Assis au milieu des hombres, petit garçon, j'ai mangé mon riz à l'huile,ce riz rouge et gras des campagnes, à défaut de pouvoir boire, comme un hombre, l'alcool blanc et gras des campagnes. Jusqu'à ce que qu'un oncle, que je connaissais peut-être me tende le broc en émail. J'ai bu, et ensuite cet oncle a frotté sur mon visage et sur celui de tous ceux qu'il croisait et qui l'acceptaient, ses mains enduites de l'odeur du mort de la morte qu'il venait de sortir de la tombe.

Chouette, non?

J'ai arrêté d'avoir pitié de moi-même, et depuis ce jour je vais mieux.

Est-ce qu'on perd d'abord la foi, ou la peur? Ceux qui n'ont jamais eu la foi ont droit à un joker, petits enfants innocents, anges jamais tombés du ciel pour devenir démons. Je viendrais, imbibé d'alcool et m'efforçant d'être charitable, initier leurs visages avec mes mains imbibées de l'ail que je viens d'éplucher à mon boulot de commis. L'ail fait rire des vampires et autres croquemitaines. On a les initiations qu'on mérite, mais plus on est vieux et plus on en souffre, demandez aux circoncis tardifs. La pièce qu'on donne aux mendiants est-elle la même qu'on glissait sous la langue des morts pour payer son SMIC à Charon? En voilà des questions existentielles...

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