jeudi 30 décembre 2010

La Mala Vida.

Quelques bières sur le comptoir manifestaient la pénibilité du travail. VIP des bas-fonds j'ai ma place réservée au plus pouilleux des trois bars, où je bois, debout, en attendant que mes copines de soûlerie reviennent de leurs passes. Ces filles qui m'ont déjà giflé et griffé un soir où nous avons tous trop bu, où je leur demandais des nouvelles de la scolarité de leurs enfants en répétant méchamment : "On baise?" Mais ce soir elles me protègent des autres filles, comme on protège un ami ou un investissement. Les autres filles me prennent pour un client. Les autres filles essaient de réveiller ce qu'elles croient être de la testostérone, qui n'est chez moi qu'une pulsion de Déluge, la propreté de la désolation. Pour canaliser le Déluge je chantonne "I'll make it rain on you ho's". Faire tomber en pluie fine les nuages dissipés, puisque nous avons tous un ciel, qui se charge en même temps que nos alcoolémies pendant que nous dansons. Soûl comme au premier jour je suis à genoux sur la piste sur des grosses basses nègres. Je ne suis pas un vieux blanc venu cueillir la vraie vie entre les cuisses d'une sauvage longtemps méritée, ha les acquis sociaux, mon colon. Je ne suis pas un jeune provincial qui se croit arrivé en Jamaïque depuis qu'il a son premier 4x4 avec lecteur DVD. Les surnageants de la dernière pluie (de balles). Tous unis par le coupé-décalé. Séparés par le g-funk dans ma tête, le béton, le froid. Je suis né riche. J'ai grandi. Et je danse pour appeler la pluie.

Des haricots, de la graisse et des abats, cuits pendant des heures. Tu ne manges pas, ce n'est pas une surprise. La bouteille de mauvais rhum que je n'arrive pas à boire s'efforce de conjurer ma jeunesse, non pas envolée mais vautrée dans le caniveau. La jeunesse ne s'envole pas, elle se noie dans son vomi. Tu pars te promener dans le parking glauque, peut-être pour trouver dans le silence bienveillant de la lune quelque reste oublié de poésie. Incapable peut-être de voir ce que Bacon ou Kandinsky auraient pu peindre de ce qui se passe sous mes yeux, ce qui sort de ma bouche, qui coule comme ma lèvre inférieure pend, fatiguée. Ces haricots, très colorés (de quartiers bouillis de tomate) que je vomis avant de rentrer. Et puis le Déluge arrive, un peu trop tard, un peu trop connu déjà. Nous n'apprendrons jamais.

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